Guadeloupe : une usine dévoile la première machine industrielle dédiée au redressement des bananes

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Un reportage mené dans une exploitation de Sainte-Rose révèle l’existence d’une machine industrielle entièrement dédiée à une opération jusqu’ici jugée « techniquement improbable et totalement inutile » : le redressement systématique des bananes. Une invention française déjà promise à l’exportation.

Dans un hangar immaculé, au cœur d’une plantation guadeloupéenne, trône une imposante structure en inox où sont alignées près d’une trentaine de bananes maintenues comme dans un centre de rééducation orthopédique. Selon ses concepteurs, il s’agirait de la toute première machine capable de redresser le fruit et de lui donner une courbure standardisée, destiné à faciliter son conditionnement pour l’export.

Une réponse à un « problème logistique majeur »

« On en avait ras-le-bol de perdre de la place dans les containers. Une banane courbe, ça s’empile n’importe comment », explique Bernard Almeras, ingénieur responsable du projet au sein de la coopérative locale. D’après lui, cette machine, baptisée Straight’O’Matic 3000, permettrait de réduire de 18 % l’espace perdu dans les cargaisons.

Le dispositif, composé d’une série de bras mécaniques, chauffe très légèrement le fruit avant de lui appliquer une tension progressive afin de réduire sa courbure naturelle et d’obtenir une forme « plus droite et homogène ». L’ensemble du procédé aurait été testé pendant plus de deux ans, notamment sur des bananes trop courbées, utilisées comme « modèles extrêmes » pour calibrer la force de redressement.

Une innovation 100 % française déjà convoitée

D’après le Syndicat interprofessionnel de la banane française, la machine séduirait déjà plusieurs marchés internationaux, dont le Japon et les Pays-Bas. « On nous a demandé si le Straight’O’Matic pouvait aussi recourber les bananes trop droites, ce à quoi nous avons répondu que “la machine n’a pas été conçue pour aller contre la nature” », raconte un technicien.

Les équipes affirment que la France pourrait devenir le premier pays exportateur d’outils de « manipulation fruitière avancée ». Une perspective qui réjouit le ministère de l’Agriculture, lequel estime que « la France renoue enfin avec son rôle de pionnière dans la mécanisation tropicale ».

Un accueil mitigé chez les producteurs

Certes, certains exploitants saluent un gain de productivité, mais d’autres s’inquiètent de l’altération de l’authenticité du fruit. « Une banane, ça doit avoir sa personnalité. Si on les redresse toutes pareil, comment voulez-vous qu’on reconnaisse la mienne ? », déplore un producteur de Capesterre-Belle-Eau.

La coopérative assure toutefois qu’aucune modification du goût n’a été détectée lors des tests. « Elles tiennent juste un peu mieux dans les boîtes. Le consommateur final ne verra rien, sauf s’il les utilise comme règle », nuance Bernard Almeras.

Vers une standardisation mondiale des fruits ?

Le Straight’O’Matic 3000 pourrait n’être que la première étape d’un plan plus vaste visant à uniformiser la courbure des fruits fragiles pour optimiser l’exportation. Déjà, une version miniature dédiée aux clémentines corse serait en phase de prototypage, tandis qu’un projet de « redresseur d’avocats » serait étudié sans confirmation officielle.

L’usine prévoit une inauguration officielle en présence des élus locaux le mois prochain, avant un lancement à grande échelle. « Notre ambition ? Devenir les Airbus de la banane parfaitement droite », conclut fièrement l’ingénieur.

F. Dupont | l'Immunité.fr
Francis Dupont est ingénieur agronome de formation, diplômé de l'Institut national agronomique Paris-Grignon. Il est également spécialiste dans les études statistiques et les études de marché.

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