Le Palais Bourbon a récemment accueilli les 577 députés élus le 18 juin. Parmi eux, les élus masculins de La France insoumise ont annoncé leur intention de siéger sans arborer le traditionnel costume-cravate. Un geste politique assumé, mais qui, à la lecture du règlement intérieur de l’Assemblée nationale, contreviendrait au principe de laïcité. Décryptage.
Le Bureau de l’Assemblée nationale rappelle que l’accès aux tribunes de l’hémicycle est conditionné à une « tenue correcte ». Les parlementaires doivent être « assis, en silence, la tête découverte » et, surtout, « le port de la cravate est obligatoire afin d’observer un strict respect de la laïcité, en toutes circonstances ».
Ce protocole vestimentaire trouve son origine dans un épisode antérieur à la loi de 1905 sur la séparation des Églises et de l’État. En 1896, Philippe Grenier, médecin converti à l’islam, devient le premier député musulman de France. Il se présente à l’Assemblée vêtu de « bottes marocaines, gandoura, burnous et turban », provoquant l’émoi. Pour prévenir toute réapparition de signes religieux ostentatoires, le Bureau adopte un texte imposant une neutralité vestimentaire stricte dans l’hémicycle.
Un huissier peut ainsi refuser l’entrée à tout élu dépourvu de cravate, considérée comme un emblème républicain. Mais qu’en est-il des femmes ? L’historien René Loublit rappelle qu’à l’arrivée des premières députées en 1945, le Conseil constitutionnel s’interrogea sur la nécessité de leur fournir des cravates, jugées indispensables à la conformité républicaine.
Pour les élues, la laïcité vestimentaire impose également des limites : bras nus, décolletés, maquillage ou jupes trop courtes sont proscrits, au risque de troubler la concentration de leurs collègues masculins. Depuis 1977, le port du pantalon est officiellement autorisé pour les femmes… à condition de ne pas oublier la cravate.
F. Pichard | l'Immunité.fr
Franck Pichard est journaliste et analyste politique, diplômé de l'Institut français de presse et de l'Institut d'études politiques de Paris.